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CHAPITRE III

LA SOLIDARITÉ DUE À LA DIVISION DU TRAVAIL OU ORGANIQUE


I

La nature même de la sanction restitutive suffit à montrer que la solidarité sociale à laquelle correspond ce droit est d’une tout autre espèce.

Ce qui distingue cette sanction, c’est qu’elle n’est pas expiatoire, mais se réduit à une simple remise en état. Une souffrance proportionnée à son méfait n’est pas infligée à celui qui a violé le droit ou qui le méconnaît ; il est simplement condamné à s’y soumettre. S’il y a déjà des faits accomplis, le juge les rétablit tels qu’ils auraient dû être. Il dit le droit, il ne dit pas de peines. Les dommages-intérêts n’ont pas de caractère pénal ; c’est seulement un moyen de revenir sur le passé pour le restituer, autant que possible, sous sa forme normale. M. Tarde a cru, il est vrai, retrouver une sorte de pénalité civile dans la condamnation aux dépens, qui sont toujours à la charge de la partie qui succombe[1]. Mais, pris dans ce sens, le mot n’a plus qu’une valeur métaphorique. Pour qu’il y eût peine, il faudrait tout au moins qu’il y eût quelque proportion entre le châtiment et la faute, et, pour cela, il serait nécessaire que le degré de gravité de cette dernière fût sérieusement établi. Or, en fait, celui qui perd le procès paie les frais quand même ses intentions seraient pures,

  1. Tarde, Criminalité comparée, 113.