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sions similaires qui s’échangent, de toutes ces colères qui s’expriment, se dégage une colère unique, plus ou moins déterminée suivant les cas, qui est celle de tout le monde sans être celle de personne en particulier. C’est la colère publique.

Elle seule, d’ailleurs, peut servir à quelque chose. En effet, les sentiments qui sont en jeu tirent toute leur force de ce fait qu’ils sont communs à tout le monde ; ils sont énergiques parce qu’ils sont incontestés. Ce qui fait le respect particulier dont ils sont l’objet, c’est qu’ils sont universellement respectés. Or, le crime n’est possible que si ce respect n’est pas vraiment universel ; par conséquent, il implique qu’ils ne sont pas absolument collectifs et entame cette unanimité, source de leur autorité. Si donc, quand il se produit, les consciences qu’il froisse ne s’unissaient pas pour se témoigner les unes aux autres qu’elles restent en communion, que ce cas particulier est une anomalie, elles ne pourraient pas ne pas être ébranlées à la longue. Mais il faut qu’elles se réconfortent en s’assurant mutuellement qu’elles sont toujours à l’unisson : le seul moyen pour cela est qu’elles réagissent en commun. En un mot, puisque c’est la conscience commune qui est atteinte, il faut aussi que ce soit elle qui résiste et, par conséquent, que la résistance soit collective.


Il reste à dire pourquoi elle s’organise.

On s’expliquera ce dernier caractère si l’on remarque que la répression organisée ne s’oppose pas à la répression diffuse, mais s’en distingue seulement par des différences de degrés ; la réaction y a plus d’unité. Or, l’intensité plus grande et la nature plus définie des sentiments que venge la peine proprement dite rendent aisément compte de cette unification plus parfaite. En effet, si l’état nié est faible ou s’il n’est nié que faiblement, il ne peut déterminer qu’une faible concentration des consciences outragées ; tout au contraire, s’il est fort, si l’offense est grave, tout le groupe atteint se contracte en face du danger et se ramasse, pour ainsi