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passionnelle, d’intensité graduée, que la société exerce par l’intermédiaire d’un corps constitué sur ceux de ses membres qui ont violé certaines règles de conduite.

Or, la définition que nous avons donnée du crime rend très aisément compte de tous ces caractères de la peine.

III


Tout état fort de la conscience est une source de vie ; c’est un facteur essentiel de notre vitalité générale. Par conséquent, tout ce qui tend à l’affaiblir nous diminue et nous déprime ; il en résulte une impression de trouble et de malaise analogue à celle que nous ressentons quand une fonction importante est suspendue ou ralentie. Il est donc inévitable que nous réagissions énergiquement contre la cause qui nous menace d’une telle diminution, que nous nous efforcions de l’écarter afin de maintenir l’intégralité de notre conscience.

Au premier rang des causes qui produisent ce résultat, il faut mettre la représentation d’un état contraire. Une représentation n’est pas en effet une simple image de la réalité, une ombre inerte projetée en nous par les choses ; mais c’est une force qui soulève autour d’elle tout un tourbillon de phénomènes organiques et psychiques. Non seulement le courant nerveux qui accompagne l’idéation rayonne dans les centres corticaux autour du point où il a pris naissance et passe d’un plexus dans l’autre, mais il retentit dans les centres moteurs où il détermine des mouvements, dans les centres sensoriels où il réveille des images, excite parfois des commencements d’illusions et peut même affecter jusqu’aux fonctions végétatives[1] ; ce retentissement est d’autant plus considérable que la représentation est elle-même plus intense, que l’élément émotionnel en est plus

  1. V. Maudsley Physiologie de l’esprit tr. fr. p.270