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de supplices qui n’étaient pas mis sur le même pied, et pourtant, dans un grand nombre de cas, les textes ne parlent que de la mort d’une manière générale, sans dire quel genre de mort devait être infligé. D’après Summer Maine, il en était de même dans la Rome primitive ; les crimina étaient poursuivis devant l’assemblée du peuple qui fixait souverainement la peine par une loi, en même temps qu’elle établissait la réalité du fait incriminé[1]. Au reste, même jusqu’au XVIe siècle, le principe général de la pénalité, « c’est que l’application en était laissée à l’arbitraire du juge, arbitrio et officio judicis… Seulement il n’est pas permis au juge d’inventer des peines autres que celles qui sont usitées[2]. » Un autre effet de ce pouvoir du juge était de faire entièrement dépendre de son appréciation jusqu’à la qualification de l’acte criminel, qui, par conséquent, était elle-même indéterminée[3].

Ce n’est donc pas dans la réglementation de la peine que consiste l’organisation distinctive de ce genre de répression. Ce n’est pas davantage dans l’institution d’une procédure criminelle ; les faits que nous venons de citer démontrent assez qu’elle a fait pendant longtemps défaut. La seule organisation qui se rencontre partout où il y a peine proprement dite se réduit donc à l’établissement d’un tribunal. De quelque manière qu’il soit composé, qu’il comprenne tout le peuple ou seulement une élite, qu’il suive ou non une procédure régulière tant dans l’instruction de l’affaire que dans l’application de la peine, par cela seul que l’infraction, au lieu d’être jugée par chacun, est soumise à l’appréciation d’un corps constitué, par cela seul que la réaction collective a pour intermédiaire un organe défini, elle cesse d’être diffuse : elle est organisée. L’organisation pourra être plus complète, mais dès ce moment elle existe.

La peine consiste donc essentiellement dans une réaction

  1. Ancien droit, p. 353.
  2. Du Boys, Histoire du droit criminel des peuples modernes, VI, II.
  3. Du Boys, Ibid., 14.