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pas cet antagonisme ou ne le sent pas aussi vivement ; c’est-à-dire qu’elle marque comme crimes des actes qui la froissent sans pourtant froisser au même degré les sentiments collectifs. Mais c’est de ces derniers qu’elle reçoit toute l’énergie qui lui permet de créer des crimes et des délits. Outre qu’elle ne peut venir d’ailleurs et que pourtant elle ne peut pas venir de rien, les faits suivants, qui seront amplement développés dans toute la suite de cet ouvrage, confirment cette explication. L’étendue de l’action que l’organe gouvernemental exerce sur le nombre et sur la qualification des actes criminels dépend de la force qu’il recèle. Celle-ci à son tour peut être mesurée soit par l’étendue de l’autorité qu’il exerce sur les citoyens, soit par le degré de gravité reconnu aux crimes dirigés contre lui. Or nous verrons que c’est dans les sociétés inférieures que cette autorité est le plus grande et cette gravité le plus élevée, et, d’autre part, que c’est dans ces mêmes types sociaux que la conscience collective a le plus de puissance[1].

C’est donc toujours à cette dernière qu’il faut revenir ; c’est d’elle que directement ou indirectement découle toute criminalité. Le crime n’est pas simplement la lésion d’intérêts même graves, c’est une offense contre une autorité en quelque sorte transcendante. Or, expérimentalement, il n’y a pas de force morale supérieure à l’individu, sauf la force collective.

Il y a d’ailleurs une manière de contrôler le résultat auquel nous venons d’arriver. Ce qui caractérise le crime, c’est qu’il détermine la peine. Si donc notre définition du crime est exacte, elle doit rendre compte de tous les caractères de la peine. Nous allons procéder à cette vérification.

Mais auparavant il faut établir quels sont ces caractères.

  1. D’ailleurs, quand l’amende est toute la peine, comme elle n’est qu’une réparation dont le montant est fixe, l’acte est sur les limites du droit pénal et du droit restitutif.