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après eux. Il y a une éducation inconsciente qui ne cesse jamais. Par notre exemple, par les paroles que nous prononçons, par les actes que nous accomplissons, nous façonnons d’une manière continue l’âme de nos enfants.

Il en est tout autrement de la pédagogie. Celle-ci consiste, non en actions, mais en théories. Ces théories sont des manières de concevoir l’éducation, non des manières de la pratiquer. Parfois elles se distinguent des pratiques en usage au point de s’y opposer. La pédagogie de Rabelais, celle de Rousseau ou de Pestalozzi, sont en opposition avec l’éducation de leur temps. L’éducation n’est donc que la matière de la pédagogie. Celle-ci consiste dans une certaine manière de réfléchir aux choses de l’éducation.

C’est ce qui fait que la pédagogie, au moins dans le passé, est intermittente, tandis que l’éducation est continue. Il y a des peuples qui n’ont pas eu de pédagogie proprement dite ; elle n’apparaît même qu’à une époque relativement avancée de l’histoire. On ne la rencontre en Grèce qu’après l’époque de Périclès, avec Platon, Xénophon, Aristote. C’est à peine si elle a existé à Rome. Dans les sociétés chrétiennes, ce n’est guère qu’au seizième siècle qu’elle produit des œuvres importantes ; et l’essor qu’elle prit alors se ralentit au siècle suivant, pour ne reprendre toute sa vigueur qu’au cours du dix-huitième siècle. C’est que l’homme ne réfléchit pas toujours, mais seulement quand il est nécessité à réfléchir, et que les conditions de la