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stinct, l’instinct paternel, et même l’instinct sexuel. Ce sont des poussées dans une direction ; mais les moyens par lesquels ces poussées s’actualisent changent d’un individu à l’autre, d’une occasion à l’autre. Une large place reste donc réservée aux tâtonnements, aux accommodations personnelles, et, par conséquent, à l’action de causes qui ne peuvent faire sentir leur influence qu’après la naissance. Or, l’éducation est une de ces causes.

On a prétendu, il est vrai, que l’enfant héritait parfois d’une tendance très forte vers un acte défini, comme le suicide, le vol, le meurtre, la fraude, etc. Mais ces assertions ne sont nullement d’accord avec les faits. Quoi qu’on en ait dit, on ne naît pas criminel ; encore moins est-on voué, dès la naissance, à tel ou tel genre de crime ; le paradoxe des criminologistes italiens ne compte plus aujourd’hui beaucoup de défenseurs. Ce qui est hérité, c’est un certain manque d’équilibre mental, qui rend l’individu plus réfractaire à une conduite suivie et disciplinée. Mais un tel tempérament ne prédestine pas plus un homme à être un criminel qu’un explorateur amoureux d’aventures, un prophète, un novateur politique, un inventeur, etc. On en peut dire autant de toutes les aptitudes professionnelles. Comme le remarque Bain, « le fils d’un grand philologue n’hérite pas d’un seul vocable ; le fils d’un grand voyageur peut, à l’école, être surpassé en géographie par le fils d’un mineur ». Ce que l’enfant reçoit de ses parents, ce sont des facultés très