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pas qu’elles soient innées à l’esprit humain. Elles ont une histoire ; elles se sont, peu à peu, construites au cours de l’évolution de la civilisation et, dans notre civilisation, par le développement des sciences physiques et morales. Un bon esprit est un esprit dont les idées maîtresses, qui règlent l’exercice de la pensée, sont en harmonie avec les sciences fondamentales, telles qu’elles sont actuellement constituées : ainsi armé, cet esprit peut se mouvoir dans la vérité, telle que nous la concevons. Il faut donc enseigner à l’enfant les éléments des sciences fondamentales, disons mieux, des disciplines fondamentales, pour bien marquer que la grammaire ou l’histoire, par exemple, coopèrent, elles aussi, et au plus haut degré, à la formation de l’entendement.

Avec tant de grands pédagogues, Durkheim s’accorde donc à demander ce qu’on appelle, d’un terme barbare, la culture formelle : former l’esprit, non le remplir ; ce n’est pas pour l’utilité qu’elles procurent que valent surtout les connaissances. Rien de moins utilitaire que cette conception de l’instruction. Mais son formalisme est original et s’oppose nettement à celui d’un Montaigne, à celui des humanistes. En effet, la transmission, par le maître à l’élève, d’un savoir positif, l’assimilation par l’enfant d’une matière lui paraît être la condition d’une véritable formation intellectuelle. On en voit la raison : l’analyse sociologique de l’entendement entraîne des conséquences pédagogiques. La mémoire, l’attention, la faculté d’association sont des dispositions congénitales chez l’enfant, que l’exercice développe, dans le champ de la seule expérience individuelle, quel que soit l’objet auquel ces facultés s’appliquent. Les idées directrices élaborées par notre civilisation sont, au contraire, des idées collectives qu’il faut transmettre à l’enfant, parce qu’il ne saurait les élaborer seul. On ne refait pas la science, par son expé-