Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gralement, en lui seul, la moralité tout entière. Personnellement, Durkheim, comme l’avait été Kant, fut avant tout un homme de volonté et de discipline. De la moralité, c’est l’aspect kantien qu’il voit d’abord et le plus nettement. Et l’on a parfois voulu faire, de la contrainte, la seule action qu’exerçait, selon lui, la société sur l’individu. Sa véritable doctrine est infiniment plus compréhensive, et il n’y a peut-être pas de philosophie morale qui le soit au même degré. Il a bien montré, par exemple, que les forces morales, qui contraignent et même violentent la nature animale de l’homme, exercent aussi, sur l’homme, une attraction, une séduction, et que c’est à ces deux aspects du fait moral que répondent les deux notions du devoir et du bien. Et il a montré que, vers ces deux pôles, s’orientaient deux activités morales distinctes, dont ni l’une ni l’autre n’est étrangère à l’agent moral bien constitué, mais qui, selon que prévaut l’une ou l’autre, distinguent les agents moraux en deux types différents, l’homme du sentiment, de l’enthousiasme, chez qui domine l’aptitude à se donner, et l’homme de volonté, plus froid et plus austère, chez qui domine le sens de la règle. L’eudémonisme, l’hédonisme ont eux-mêmes leur place dans la vie morale : il faut, disait un jour Durkheim, qu’il y ait des épicuriens. Ainsi, des disparates, même des contraires, se fondent dans la richesse de la civilisation morale, richesse que l’analyse abstraite des philosophes se condamne généralement à appauvrir, parce qu’elle veut, par exemple, déduire l’idée du bien de celle du devoir, concilier les concepts d’obligation et d’autonomie, et réduire ainsi au jeu logique de quelques idées simples une réalité très compliquée.

Les neuf leçons qui forment la deuxième partie du cours abordent le problème proprement pédagogique. On vient de dénombrer et de définir les éléments de