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nature de la discipline et de son fondement rationnel. Pourquoi, enfin, la règle peut-elle et doit-elle être conçue comme indépendante de tout symbolisme religieux et même métaphysique ? En quoi cette laïcisation de la discipline modifie-t-elle le contenu même de l’idée de discipline, ce qu’elle exige et ce qu’elle permet ? Ici, nous rattachons la nature et la fonction de la discipline, non plus aux conditions de la civilisation en général, mais aux conditions particulières d’existence de la civilisation où nous vivons. Et nous recherchons si notre esprit de discipline, à nous, Français, est bien tout ce qu’il doit être, s’il n’est pas pathologiquement affaibli, et comment l’éducation, tout en respectant ses caractères propres, peut améliorer notre moralité nationale.

Une analyse symétrique s’applique à l’esprit d’abnégation. Qu’est-il, à quoi sert-il, du point de vue de la société, comme du point de vue de l’individu ? Quelles sont les fins auxquelles nous, Français du xixe siècle, nous devons nous dévouer ? Quelle est la hiérarchie de ces fins, et d’où proviennent, comment peuvent se concilier leurs antagonismes partiels ? — Mêmes questions pour l’esprit d’autonomie. L’analyse de ce dernier élément est particulièrement féconde, parce qu’il s’agit ici d’un des traits les plus récents de la moralité, du trait le plus caractéristique de la moralité laïque et rationaliste de nos sociétés démocratiques.

Ces indications sommaires suffisent à marquer l’une des principales supériorités de la méthode suivie par Durkheim. Il réussit à montrer toute la complexité, toute la richesse de la vie morale, richesse faite d’oppositions qui ne peuvent jamais être que partiellement fondues dans une synthèse harmonieuse, richesse telle qu’aucun individu, si grand soit-il, ne peut jamais aspirer à porter en lui, à leur plus haut degré de développement, tous ces éléments et, ainsi, à réaliser, inté-