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la pédagogie, la sociologie d’une part, la psychologie de l’autre. La première partie étudie la moralité en elle-même, c’est-à-dire la civilisation morale que l’éducation transmet à l’enfant : c’est une analyse sociologique. La seconde étudie la nature de l’enfant qui devra s’assimiler cette moralité : ici la psychologie est au premier plan.

Les huit leçons que Durkheim a consacrées à l’analyse de la moralité sont ce qu’il a laissé de plus achevé sur ce sujet, puisque la mort l’a interrompu au moment où il rédigeait, pour la publication, les prolégomènes de sa Morale. Elles sont à rapprocher des pages qui ont paru dans le Bulletin de la Société française de philosophie sur La détermination du fait moral. Il n’y traite pas des divers devoirs, mais des caractères généraux de la moralité. C’est l’équivalent, chez lui, de ce que les philosophes appellent la Morale théorique. Mais la méthode qu’il applique renouvelle le sujet.

On conçoit aisément comment la sociologie peut étudier ce que sont, en fait, la famille, l’État, la propriété, le contrat. Mais, quand il s’agit du Bien et du Devoir, il semble quon ait affaire à de purs concepts, non à des institutions, et qu’une méthode d’analyse abstraite s’impose ici, à défaut d’une observation inapplicable. Voici le biais par où Durkheim aborde son sujet. L’éducation morale a, sans doute, pour rôle d’initier l’enfant aux divers devoirs, de susciter en lui les vertus particulières, prises une à une. Mais elle a aussi pour rôle de développer en lui l’aptitude générale à la moralité, les dispositions fondamentales qui ; sont à la racine de la vie morale, de constituer en lui l’agent moral, prêt aux initiatives qui sont la condition du progrès. Quels sont, en fait, dans la société française contemporaine, les éléments du tempérament moral, dont la réalisation est le but vers lequel doit tendre l’éducation morale générale ? Ces éléments, on