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comme une chose, c’est-à-dire d’en analyser les composants, de déterminer leur genèse, leurs causes et les besoins auxquels ils correspondent. Mais cette étude, d’abord toute désintéressée, est la meilleure préparation au choix qu’une volonté raisonnable peut se proposer de faire entre les divers programmes d’enseignement concevables, entre les règles à suivre pour l’application du programme choisi. On pourrait répéter la même chose, mutatis mutandis, de l’éducation morale, et des questions de détail, aussi bien que des problèmes les plus généraux. Bref, l’opinion, le législateur, l’administration, les parents, les maîtres ont, à tout instant, des choix à faire, qu’il s’agisse de réformer profondément les institutions ou de les faire fonctionner au jour le jour. Or, ils travaillent sur une matière résistante qui ne se laisse pas manier arbitrairement : milieu social, institutions, habitudes, traditions, tendances collectives. La pédagogie, en tant qu’elle dépend de la sociologie, est la préparation rationnelle de ces choix.

Durkheim attachait la plus haute importance, non seulement comme savant, mais comme citoyen, à cette conception rationaliste de l’action. Hostile à l’agitation réformiste, qui trouble sans améliorer, surtout aux réformes négatives, qui détruisent sans remplacer, il avait cependant le sens et le goût de l’action. Mais, pour que l’action fût féconde, il voulait qu’elle portât sur ce qui est possible, limité, défini, déterminé dans les conditions sociales où elle s’exerce. Son enseignement pédagogique, s’adressant à des éducateurs, a toujours eu un caractère immédiatement pratique. Absorbé par ses autres travaux, il n’a pas eu le temps de s’appliquer à des recherches purement spéculatives sur l’éducation. Dans ses cours, les sujets sont abordés selon la méthode scientifique définie tout à l’heure. Mais le choix des sujets est dicté par les difficultés pra-