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importance. Esprits éminemment révolutionnaires, au moins pour la plupart, la réalité présente est sans intérêt à leurs yeux ; ils ne la supportent qu’avec impatience et rêvent de s’en affranchir, pour édifier de toutes pièces un système scolaire entièrement nouveau où se réalise adéquatement l’idéal auquel ils aspirent. Dès lors, que peuvent leur faire les pratiques, les méthodes, les institutions qui existaient avant eux ? C’est vers l’avenir qu’ils ont les yeux fixés, et ils croient pouvoir l’évoquer du néant.

Mais nous savons aujourd’hui tout ce qu’il y a de chimérique et même de dangereux dans ces ardeurs d’iconoclastes. Il n’est ni possible ni désirable que l’organisation présente s’effondre en un instant ; vous aurez à y vivre et à la faire vivre. Mais, pour cela, il faut la connaître. — Et il faut la connaître aussi pour pouvoir la changer. Car les créations ex nihilo sont tout aussi impossibles dans l’ordre social que dans l’ordre physique. L’avenir ne s’improvise pas ; on ne peut le construire qu’avec les matériaux que nous tenons du passé. Nos innovations les plus fécondes consistent bien souvent à couler des idées nouvelles dans des moules antiques, qu’il suffit de modifier partiellement pour les mettre en harmonie avec leur nouveau contenu. De même, le meilleur moyen de réaliser un nouvel idéal pédagogique est d’utiliser l’organisation établie, sauf à la retoucher secondairement, si c’est utile, pour la plier aux fins nouvelles auxquelles elle doit servir. Que de réformes sont faciles, sans qu’il soit nécessaire de bouleverser