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l’individu. Et il faut signaler aux sociologues que c’est dans son analyse de l’éducation qu’ils apercevront le mieux le fond de la pensée de Durkheim, sur les rapports de la société et de l’individu et sur le rôle des individus d’élite dans le progrès social.

Au nom de l’idéal, enfin, il arrive qu’on résiste au réalisme de Durkheim. On lui reprochera d’humilier la raison et de décourager l’effort, comme s’il se faisait l’apologiste systématique de ce qui est, et restait indifférent à ce qui doit être. Pour comprendre comment, au contraire, ce réalisme sociologique lui paraît apte à diriger l’action, voyons quelle idée il s’est faite de la pédagogie.


II


Tout l’enseignement de Durkheim répond à un besoin profond de son esprit, qui est l’exigence essentielle de l’esprit scientifique lui-même. Durkheim éprouve une véritable répulsion pour les constructions arbitraires, pour les programmes d’action qui traduisent seulement les tendances de leur auteur. Il a besoin de réfléchir sur un donné, sur une réalité observable, sur ce qu’il appelle une chose. Considérer les faits sociaux comme des choses, telle est la première règle de sa méthode. Quand il prenait la parole sur des sujets de morale, on le voyait d’abord présenter des faits, des choses ; et sa mimique même marquait que, bien qu’il s’agît de choses spirituelles, non matérielles, il ne se bornait pas à analyser des concepts, mais qu’il saisissait, montrait, maniait des réalités. L’éducation est une chose, ou, d’un autre mot, un fait. En fait, dans toutes les sociétés, il se donne une éducation. Conformément à des traditions, à des habitudes, à des règles explicites ou implicites, dans un cadre déterminé d’institutions, avec un outillage propre, sous l’influence