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beaux à la vue ; au temps de la chevalerie, on lui demandait de former des guerriers agiles et souples ; de nos jours, elle n’a plus qu’un but hygiénique et se préoccupe surtout de contenir les dangereux effets d’une culture intellectuelle trop intense. Ainsi, même ces qualités qui paraissent, au premier abord, si spontanément désirables, l’individu ne les recherche que quand la société l’y invite, et il les recherche de la façon qu’elle lui prescrit.

Vous voyez à quel point la psychologie toute seule est une ressource insuffisante pour le pédagogue. Non seulement, comme je vous le montrais tout d’abord, c’est la société qui trace à l’individu l’idéal qu’il doit réaliser par l’éducation, mais encore, dans la nature individuelle, il n’y a pas de tendances déterminées, pas d’états définis qui soient comme une première aspiration vers cet idéal, qui en puissent être regardés comme la forme intérieure et anticipée. Ce n’est pas sans doute qu’il n’existe en nous des aptitudes très générales sans lesquelles il serait évidemment irréalisable. Si l’homme peut apprendre à se sacrifier, c’est qu’il n’est pas incapable de sacrifice ; s’il a pu se soumettre à la discipline de la science, c’est qu’il n’y était pas impropre. Par cela seul que nous faisons partie intégrante de l’univers, nous tenons à autre chose que nous-même ; il y a ainsi en nous une première impersonnalité qui prépare au désintéressement. De même, par cela seul que nous pensons, nous avons une certaine inclination à connaître. Mais entre ces