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élébore d’Anticyre » de manière à lui faire oublier « tout ce qu’il auoit apprins soubz ses anticques precepteurs ». C’était dire, sous une forme allégorique, que la pédagogie nouvelle ne devait rien avoir de commun avec celle qui avait précédé. Mais c’était du même coup se placer en dehors des conditions du réel. L’avenir ne peut être évoqué du néant : nous ne pouvons le construire qu’avec les matériaux que nous a légués le passé. Un idéal que l’on construit en prenant le contre-pied de l’état de choses existant n’est pas réalisable puisqu’il n’a pas de racines dans la réalité. D’ailleurs, il est clair que le passé avait ses raisons d’être ; il n’aurait pu durer s’il n’avait répondu à des besoins légitimes qui ne sauraient disparaître totalement du jour au lendemain ; on ne peut donc en faire aussi radicalement table rase sans méconnaître des nécessités vitales. Voilà comment il se fait que la pédagogie n’a trop souvent été qu’une forme de littérature utopique. Nous plaindrions des enfants auxquels on appliquerait rigoureusement la méthode de Rousseau ou celle de Pestalozzi. Sans doute, ces utopies ont pu jouer un rôle utile dans l’histoire. Leur simplisme même leur a permis de frapper plus vivement les esprits et de les stimuler à l’action. Mais, d’abord, ces avantages ne sont pas sans inconvénients ; de plus, pour cette pédagogie de tous les jours, dont chaque maître a besoin en vue d’éclairer et de guider sa pratique quotidienne, il faut moins d’entraînement passionnel et unilatéral, et, au contraire, plus de