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LE MARCHAND DE ZAMORA.

donné quelque désir de me marier. À ce mot je le regardai. — Oui, voisin, poursuivit-il, on m’offre la main de dona Térésa. Elle a quinze ans ; sa dot est assez forte pour doubler ma fortune. Veuillez me conseiller avec franchise ; l’amitié vous rendra le conseil facile, je vous le rendrai commode, tant je suis résolu d’avance à vous céder. — Vous l’exigez ? — Absolument.

« Peut-être je lui peignis le mariage sous des couleurs un peu sévères. Je m’attachai surtout à lui faire comprendre qu’en se mariant il fallait au moins qu’une femme ne trouvât pas l’âge d’un père dans celui d’un époux. Il jeta ses deux bras autour de mon cou en s’écriant : — Cher Gaspard, votre sagesse est une vraie lumière ! Térésa est charmante, sans doute ; mais, comme vous le dites avec une justesse admirable, je suis venu trop tôt pour elle dans ce monde. J’aurais beau la tenir par la main, je serais toujours en avant. N’y pensons plus.

« Le lendemain je le revis. Rien entre nous ne rappela la conversation de la veille. Le jour suivant, même silence ; je ne retrouvai dans son esprit aucune trace de son projet. Je m’en réjouissais, au moment même où un billet de sa main vint me prier de me rendre promptement à l’église. Une noce s’y préparait, c’était la sienne ; mon ami se mariait.

« De l’église j’accompagnai chez eux les nou-