Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
LE MARCHAND DE ZAMORA.

bonne grâce la réponse du marchand, s’empressa de le faire entrer dans une espèce de salon garni de quelques meubles épars. Sur les murs, une grossière peinture représentait, ici, les actions éclatantes du fameux chevalier de la Manche ; là les hauts faits de l’amant de Chimène, ce grand exterminateur des Maures ; car l’Espagne n’a que deux héros populaires : le Cid et don Quichotte. Comme l’hiver faisait souffler l’un de ses vents les plus froids, des sarments pétillaient et brillaient dans la cheminée, tandis qu’une lampe, suspendue aux poutres d’un plafond noirci, semblait brûler à regret le peu d’huile qu’une main économe lui avait versée.

Le souper ne se fit pas attendre. Le voyageur aux mules noires, ayant pris place, mangea sans rien dire, mais fort surpris de la bonté des mets. Ils contrastaient merveilleusement avec l’aspect d’un lieu si pitoyable. Pendant que le marchand mangeait, l’hôte, debout, poussait de fréquents soupirs. Il était demeuré pour servir, ne voulant laisser cet honneur à personne, ou peut-être parce qu’il était à lui seul, dans son auberge, le maître et le valet.

« — Qu’avez-vous ? lui dit enfin le marchand, dont l’appétit s’en allait avec les plats vides ; vous soupirez : auriez-vous quelque chagrin ? — Seigneur, répondit l’hôte, j’ai un fils ; il est toute ma famille, il est aussi toute mon espérance. De-