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LE MARCHAND DE ZAMORA.

des hôtelleries espagnoles : c’était une de ces masures où l’écurie est la plus belle salle, où les voyageurs d’habitude sont des muletiers.

L’hôte vint recevoir le marchand, un flambeau à la main, la serviette sur le bras, cérémonial d’usage lorsqu’on va au devant des princes. En Espagne, comme dans tous les pays civilisés, un carrosse donne droit au respect des hommes. « — Seigneur, dit l’hôte en se courbant, soyez le bienvenu ; une heureuse étoile vous a conduit dans mon gîte, où l’hospitalité, pour n’être pas gratuite, n’en sera pas moins courtoise. Si, pour trouver quelque chose chez la plupart de mes confrères, il faut l’y apporter, ici vous rencontrerez l’abondance sans vous inquiéter de rien. On vous servira du vin pour lequel Mahomet lui-même violerait le Coran ; ma cuisine est variée comme la création ; vous reposerez ensuite dans un lit capable de faire dormir le grand inquisiteur, que Dieu bénisse !

« — Je ne crois guère aux promesses des aubergistes, répondit le marchand d’un ton sérieux, mais poli ; si je fais chez vous maigre chère, vos discours, quelque beaux qu’ils soient, n’y changeront rien. Si elle est au contraire délicate, je saurai bien m’en apercevoir ; mon appétit n’est pas sans intelligence. »

L’hôte, un peu déconcerté, s’en étant tiré par une révérence, pour montrer qu’il prenait de fort