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ÉDOUARD.

— Rien. — Édouard ! vous déchirez mon cœur, je l’avais armé de sévérité, mais je ne puis en avoir longtemps avec vous. Je n’ai point oublié les promesses que je fis à votre père mourant, je ferai tout pour votre bonheur ; mais vous le sentez vous-même, Édouard, vous ne pouvez épouser ma fille. — Je le sais, monsieur, je le sais parfaitement, je partirai demain. Me permettez-vous de me retirer ? — Non, pas ainsi ; Édouard, mon enfant ! ne suis-je pas ton second père ? — Ah ! lui dis-je, vous êtes celui de madame de Nevers. Soignez-la, aimez-la, consolez-la quand je n’y serai plus. Hélas ! elle aura besoin de consolation ! » Je le quittai. J’allai chez moi, dans cette chambre que j’allais abandonner pour toujours ! dans cette chambre où j’avais tant pensé à elle, où je vivais sous le même toit qu’elle ! Il faudra donc m’arracher d’ici, me disais-je. Ah ! qu’il vaudrait bien mieux y mourir ! J’eus la pensée de mettre un terme à ma vie et à mes tourments. L’idée de la douleur que je causerais à madame de Nevers et le besoin de la vengeance me retinrent. Ma fureur contre le duc de L. ne connaissait pas de bornes ; car il nous voyait d’assez près pour avoir pu juger que mon respect pour madame de Nevers égalait ma passion, et il n’avait pu feindre de me croire son amant que par une méchanceté réfléchie, digne de tous les supplices. Je brûlais du désir de tirer