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ÉDOUARD.

veines. « Quelle horreur ! m’écriai-je : qui a pu vous dire une si infâme calomnie ? Je veux connaître l’insolent, et lui faire rendre raison de son crime. » Mon oncle se mit à rire. « Comment donc, dit-il, ne serais-tu pas si avancé que je croyais ? Serais-tu amoureux par hasard ? Va, tu te corrigeras de cette sottise. Mon cher, on a une femme aujourd’hui, une autre demain ; elles ne sont occupées elles-mêmes qu’à s’enlever leurs amants les unes aux autres. Avoir et enlever, voilà le monde, Édouard, et la vraie philosophie. — Je ne sais où vous avez vu de pareilles mœurs, lui dis-je indigné, grâce au ciel, elles me sont étrangères, et elles le sont encore plus à la femme angélique que vous outragez. Nommez-moi dans l’instant l’auteur de cette indigne calomnie ! » Mon oncle éclata de rire de nouveau, et me répéta que tout Paris parlait de ma bonne fortune, et me louait d’avoir été assez habile et assez adroit pour séduire une jeune femme qui était sans doute fort gardée. « Sa vertu la garde, répliquai-je dans une indignation dont je n’étais plus le maître, elle n’a pas besoin d’être autrement gardée. — C’est étonnant ! dit mon oncle. Mais où as-tu donc vécu ? dans un couvent de nonnes ? — Non, monsieur, répondis-je, j’ai vécu dans la maison d’un honnête homme, où vous n’êtes pas digne de rester. » — Et, oubliant ce que je devais au frère de ma mère, je pous-