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ÉDOUARD.

vous son parti ? lui demandai-je. Il est vrai, je le hais ; il prétend à vous, et je ne puis le lui pardonner. — Je vous conseille d’être jaloux du prince d’Enrichement, me dit-elle ; je vous offre ce que je lui refuse, et vous ne l’acceptez pas. — Ah ! faites-moi le plus grand roi du monde, m’écriai-je, et je serai à vos genoux pour vous demander d’être à moi. — Vous ne voulez pas recevoir de moi ce que vous voudriez me donner, me dit-elle. Est-ce ainsi que l’amour calcule ? Tout n’est-il pas commun dans l’amour ? — Ah ! sans doute, lui dis-je ; mais c’est quand on s’appartient l’un à l’autre, quand on n’a plus qu’un cœur et qu’une âme ; alors en effet tout est commun dans l’amour. — Si vous m’aimiez comme je vous aime, dit-elle, combien il vous en coûterait peu d’oublier ce qui nous sépare ! » — Je me mis à ses pieds. — « Ma vie est à vous, lui dis-je, vous le savez bien ; mais l’honneur ! il faut le conserver : vous m’ôteriez votre amour si j’étais déshonoré. — Vous ne le serez point, me dit-elle ; le monde nous blâmerait peut-être ! Eh ! qu’importe ? quand on est à ce qu’on aime, que faut-il de plus ? — Ayez pitié de moi, lui dis-je ; ne me montrez pas toujours l’image d’un bonheur auquel je ne puis atteindre, la tentation est trop forte. — Je voudrais qu’elle fût irrésistible, dit-elle. Édouard ! ne refusez pas d’être heureux ! Va ! dit-elle avec un regard enivrant, je te ferai