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ÉDOUARD.

c’était de ne compter avec personne et d’être à sa place partout. Cette inquiétude, ce malaise d’amour-propre, aurait été un véritable malheur, si un sentiment bien plus fort m’eût laissé le temps de m’y livrer ; mais je pensais trop à madame de Nevers pour que les chagrins de ma vanité fussent durables, et je les sentais surtout, parce qu’ils étaient une preuve de plus de l’impossibilité de notre union. Tout ce qui me rabaissait m’éloignait d’elle, et cette réflexion ajoutait une nouvelle amertume à des sentiments déjà si amers. J’occupai, à mon retour de Faverange, la place que M. le maréchal d’Olonne m’avait fait obtenir aux affaires étrangères, et qu’on m’avait conservée par considération pour lui. Le travail n’en était pas assujettissant, et cependant je le faisais avec négligence. La passion rend surtout incapable d’une application suivie ; c’est avec effort qu’on écarte de soi une pensée qui suffit au bonheur et tout ce qui distrait d’un objet adoré semble un vol fait à l’amour. Cependant ces sortes d’affaires sont si faciles qu’on était content de moi et que je recueillais de ma place à peu près tout ce qu’elle avait d’agréable ; elle me donnait des relations fréquentes avec les hommes distingués qui affluaient à Paris de toutes les parties de l’Europe, et je prenais insensiblement un peu plus de consistance dans le monde, à cause des petits ser-