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ÉDOUARD.

tant nous vivions facilement dans cette sphère élevée des sentiments généreux. Mais quelquefois aussi, un mot qui nous rappelait trop vivement notre propre situation, ou ces tableaux touchants de l’amour dans le mariage, qu’on rencontre si fréquemment dans la poésie anglaise, me précipitaient du faîte de mes illusions dans un violent désespoir. Madame de Nevers alors me consolait, essayait de nouveau de me convaincre qu’il n’était pas impossible que nous fussions heureux, et la même lutte se renouvelait entre nous, et apportait avec elle les mêmes douleurs et les mêmes consolations. Il y avait environ six mois que M. le maréchal d’Olonne était à Faverange, et nous touchions aux derniers jours de l’automne lorsqu’un soir, comme on allait se retirer, on entendit un bruit inaccoutumé autour du château : les chiens aboyaient, les grilles s’ouvraient, les chaînes des ponts faisaient entendre leur claquement en s’abaissant, les fouets des postillons, le hennissement des chevaux, tout annonçait l’arrivée de plusieurs voitures en poste. Je regardai madame de Nevers : le même pressentiment nous avait fait pâlir tous deux, mais nous n’eûmes pas le temps de nous communiquer notre pensée ; la porte s’ouvrit, et le duc de L. et le prince d’Enrichemont parurent. Leur présence disait tout ; car M. le maréchal d’Olonne avait annoncé qu’il ne voulait recevoir aucune visite tant que