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ÉDOUARD.

titude de petits points qui ne sont marqués que comme des écueils. Je lui racontai quelque chose du voyage de Cook que je venais de lire, et des dangers qu’il avait courus dans ces régions inconnues par ces bancs de corail que nous voyons figurés sur le globe, et qui entourent cet archipel comme pour lui servir de défense contre l’Océan. J’essayai de décrire à madame de Nevers quelques-unes de ces îles charmantes ; elle me montra du doigt une des plus petites, située un peu au nord du tropique et entièrement isolée. « Celle-ci, lui dis-je, est déserte, mais elle mériterait des habitants ; le soleil ne la brûle jamais ; de grands palmiers l’ombragent ; l’arbre à pain, le bananier, l’ananas y produisent inutilement leurs plus beaux fruits ; ils mûrissent dans la solitude ; ils tombent et personne ne les recueille. On n’entend d’autre bruit dans cette retraite que le murmure des fontaines et le chant des oiseaux ; on n’y respire que le doux parfum des fleurs : tout est harmonie, tout est bonheur dans ce désert. Ah ! lui dis-je, il devrait servir d’asile à ceux qui s’aiment. Là, on serait heureux des seuls biens de la nature, on ne connaîtrait pas la distinction des rangs ni l’infériorité de la naissance ! là, on n’aurait pas besoin de porter d’autres noms que ceux que l’amour donne, on ne serait pas déshonoré de porter le nom de ce qu’on aime ! » Je tombai sur une chaise en disant ces mots, je