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ÉDOUARD.

premier rang dans notre pays. Le fils de lord D. a épousé une personne que vous connaissez, madame, ajouta l’ambassadeur en s’adressant à madame de Nevers : c’est lady Sarah Benmore, la fille aînée du duc de Sunderland. Vous souvenez-vous que nous trouvions qu’elle vous ressemblait ? » L’ambassadeur s’éloigna. « Comme vous êtes pâle ? qu’avez-vous ? me dit madame de Nevers. — Je l’emmène, dit le duc de L. sans l’entendre, je veux lui montrer le bal, et d’ailleurs vous allez danser. » Le prince d’Enrichemont vint chercher madame de Nevers, et j’allai avec le duc de L. dans la galerie, où la foule s’était portée, parce que la reine y était. Le duc de L., toujours d’un bon naturel, était charmé de me voir au bal ; il me nommait. J’étais inquiet, mal à l’aise ; l’idée qu’on pouvait s’étonner de me voir là m’ôtait tout le plaisir d’y être. Le duc de L. s’arrêta pour parler à quelqu’un ; je m’échappai, je retournai dans le salon où dansait madame de Nevers, et je m’assis sur la banquette qu’elle venait de quitter. Ah ! ce n’est pas au bal que je pensais ! Je croyais entendre toutes les paroles de l’ambassadeur. Que j’aimais ce pays où toutes les carrières étaient ouvertes au mérite, où l’impossible ne s’élevait jamais devant le talent, où l’on ne disait jamais : « Vous n’irez que jusque-là ! » Émulation, courage, persévérance, tout est détruit par l’impossible, cet abîme qui sépare du