Page:Duras - Ourika et Édouard, I.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
ÉDOUARD.

de ce moment ! je ne le pourrais même pas ; je me jetai sur le corps de mon père, et je perdis à la fois la connaissance et le sentiment de mon malheur. En revenant à moi, j’étais dans le salon, tout avait disparu ; je crus sortir d’un songe horrible : mais je vis près de moi madame de Nevers en larmes. M. le maréchal d’Olonne me dit : — Mon cher Édouard, il vous reste encore un père. — Ce mot me prouva que tout était fini. Hélas ! je doutais encore ; mon ami, quelle douleur ! Accablé, anéanti, mes larmes coulaient sans diminuer le poids affreux qui m’oppressait. Nous restâmes longtemps dans le silence ; je leur savais gré de ne pas chercher à me consoler. — J’ai perdu l’ami de toute ma vie, dit enfin le maréchal d’Olonne. — Il vous a dû sa dernière consolation, répondis-je. — Édouard, me dit M. le maréchal d’Olonne, de ce jour je remplace celui que vous venez de perdre ; vous restez chez moi ; j’ai donné l’ordre qu’on préparât pour vous l’appartement de mon neveu, et j’ai envoyé l’abbé Tercier prévenir M. d’Herbelot de notre malheur. Mon cher Édouard, je ne vous donnerai pas de vulgaires consolations ; mais votre père était un chrétien, vous l’êtes vous-même ; un autre monde nous réunira tous. — Voyant que je pleurais, il me serra dans ses bras. — Mon pauvre enfant, dit-il, je veux vous consoler, et j’aurais besoin de l’être moi-même ! — Nous retombâmes dans le silence ;