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ÉDOUARD.

longtemps dans le salon du dévoûment de madame de B., qui s’était enfermée avec son amie, madame d’Anville, malade et mourante de la petite vérole. Tout le monde avait cité plusieurs amitiés de jeunes femmes dignes d’être comparées à celle-là. J’étais debout devant la cheminée, et près du fauteuil de madame de Nevers. « Je ne vous vois point d’amie intime ? lui dis-je. — J’en ai une qui m’est bien chère, me répondit-elle, c’est la sœur du duc de L. Nous sommes liées depuis l’enfance ; mais je crains que nous ne soyons séparées pour bien longtemps ; le marquis de C., son mari, est ministre en Hollande, et elle est à La Haye depuis six mois. — Ressemble-t-elle à son frère ? demandai-je — Pas du tout, reprit madame de Nevers ; elle aussi calme qu’il est étourdi. C’est un grand chagrin pour moi que son absence, dit madame de Nevers. Personne ne m’est si nécessaire que madame de C., elle est ma raison, je ne me suis jamais mise en peine d’en avoir d’autre, et à présent que je suis seule je ne sais plus me décider à rien. — Je ne vous aurais jamais cru cette indécision dans le caractère, lui dis-je. — Ah ! reprit-elle, il est si facile de cacher ses défauts dans le monde ! chacun met à peu près le même habit, et ceux qui passent n’ont pas le temps de voir que les visages sont différents. — Je rends grâce au ciel d’avoir été élevé comme un sauvage, repris-je ; cela me préserve