Page:Duras - Ourika et Édouard, I.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
71
ÉDOUARD.

renouvelaient souvent ; et j’avoue que le désir de voir des choses nouvelles, et je ne sais quelle inquiétude cachée au fond de mon âme me mettait du parti de mon père, et me faisait ardemment souhaiter d’avoir vingt ans pour aller à Paris et pour voir le maréchal d’Olonne. Je ne vous parlerai pas des deux années qui s’écoulèrent jusqu’à cette époque. Des études sérieuses occupèrent tout mon temps : le droit, les mathématiques, les langues employaient toutes les heures de mes journées ; et cependant ce travail aride, qui aurait dû fixer mon esprit, me laissa tel que la nature m’avait créé, et tel sans doute que je dois mourir. À vingt ans, j’attendais un grand bonheur, et la Providence m’envoya la plus grande de toutes les peines : je perdis ma mère. Comme nous allions partir pour Paris, elle tomba malade, et à cette maladie succéda un état de langueur qui se prolongea six mois. Elle expira doucement dans mes bras ; elle me bénit, elle me consola. Dieu eut pitié d’elle et de moi ; il lui épargna la douleur de me voir malheureux, et à moi celle de déchirer son âme ; elle ne me vit pas tomber dans ce piége que sa raison avait su prévoir, et dont elle avait inutilement cherché à me garantir. Hélas ! puis-je dire que je regrette la paix que j’ai perdue ? voudrais-je aujourd’hui de cette existence tranquille que ma mère rêvait pour moi ? Non sans doute. Je ne puis plus être