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OURIKA.

vant ses yeux, et le vôtre mérite de devenir digne de lui. » C’est ainsi que cet homme respectable encourageait la pauvre Ourika. Ces paroles simples portaient dans mon âme je ne sais quelle paix que je n’avais jamais connue ; je les méditais sans cesse, et, comme d’une mine féconde, j’en tirais toujours quelque nouvelle réflexion. Je vis qu’en effet je n’avais point connu mes devoirs : Dieu en a prescrit aux personnes isolées comme à celles qui tiennent au monde ; s’il les a privées des liens du sang, il leur a donné l’humanité tout entière pour famille. La sœur de charité, me disais-je, n’est point seule dans la vie, quoiqu’elle ait renoncé à tout ; elle s’est créé une famille de choix ; elle est la mère de tous les orphelins, la fille de tous les pauvres vieillards, la sœur de tous les malheureux. Des hommes du monde n’ont-ils pas souvent cherché un isolement volontaire ? Ils voulaient être seuls avec Dieu ; ils renonçaient à tous les plaisirs pour adorer, dans la solitude, la source pure de tout bien et de tout bonheur ; ils travaillaient, dans le secret de leur pensée, à rendre leur âme digne de se présenter devant le Seigneur. C’est pour vous, ô mon Dieu ! qu’il est doux d’embellir ainsi son cœur, de le parer, comme pour un jour de fête, de toutes les vertus qui vous plaisent. Hélas ! qu’avais-je fait ? Jouet insensé des mouvements involontaires de mon