Page:Duras - Ourika et Édouard, I.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
OURIKA.

là tous les secours me furent donnés, et je repris connaissance. En ouvrant les yeux, je vis madame de B. à côté de mon lit ; Charles me tenait une main : ils m’avaient soigné eux-mêmes, et je vis sur leurs visages un mélange d’anxiété et de douleur qui pénétra jusqu’au fond de mon âme ; je sentis la vie revenir en moi ; mes pleurs coulèrent. Madame de B. les essuyait doucement ; elle ne me disait rien, elle ne me faisait pas de questions : Charles m’en accabla. Je ne sais ce que je lui répondis ; je donnais pour cause à mon accident le chaud, la longueur de la promenade ; il me crut, et l’amertume rentra dans mon âme en voyant qu’il me croyait ; mes larmes se séchèrent ; je me dis qu’il était donc bien facile de tromper ceux dont l’intérêt était ailleurs ; je retirai ma main qu’il tenait encore, et je cherchai à paraître tranquille. Charles partit, comme de coutume, à cinq heures ; j’en fus blessée ; j’aurais voulu qu’il fût inquiet de moi ; je souffrais tant ! Il serait parti de même, je l’y aurais forcé ; mais je me serais dit qu’il me devait le bonheur de sa soirée, et cette pensée m’eût consolée. Je me gardai bien de montrer à Charles ce mouvement de mon cœur ; les sentiments délicats ont une sorte de pudeur ; s’ils ne sont pas devinés, ils sont incomplets : on dirait qu’on ne peut les éprouver qu’à deux.

À peine Charles fut-il parti, que la fièvre me