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OURIKA.

lui dis qu’à vingt-un ans il avait la raison solide d’un âge bien plus avancé. Je répondis à toutes ses questions : elle m’en fit beaucoup, parce qu’elle savait que je connaissais Charles depuis son enfance ; et il m’était si doux d’en dire du bien que je ne me lassais pas d’en parler.

Les arrangements d’affaires retardèrent de quelques semaines la conclusion du mariage. Charles continuait à aller chez madame de Thémines, et souvent il restait à Paris deux ou trois jours de suite : ces absences m’affligeaient, et j’étais mécontente de moi-même, en voyant que je préférais mon bonheur à celui de Charles ; ce n’est pas ainsi que j’étais accoutumée à aimer. Les jours où il revenait étaient des jours de fête ; il me racontait ce qui l’avait occupé ; et s’il avait fait quelques progrès dans le cœur d’Anaïs, je m’en réjouissais avec lui. Un jour pourtant il me parla de la manière dont il voulait vivre avec elle : « Je veux obtenir toute sa confiance, me dit-il, et lui donner toute la mienne ; je ne lui cacherai rien, elle saura toutes mes pensées, elle connaîtra tous les mouvements secrets de mon cœur ; je veux qu’il y ait entre elle et moi une confiance comme la nôtre, Ourika. » Comme la nôtre ! Ce mot me fit mal ; il me rappela que Charles ne savait pas le seul secret de ma vie, et il m’ôta le désir de le lui confier. Peu à peu les absences de Charles devinrent plus longues ;