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OURIKA.

à qui la marierez-vous, avec l’esprit qu’elle a et l’éducation que vous lui avez donnée ? Qui voudra jamais épouser une négresse ? Et si, à force d’argent, vous trouvez quelqu’un qui consente à avoir des enfants nègres, ce sera un homme d’une condition inférieure, et avec qui elle se trouvera malheureuse. Elle ne peut vouloir que de ceux qui ne voudront pas d’elle. — Tout cela est vrai, dit madame de B. ; mais heureusement elle ne s’en doute point encore, et elle a pour moi un attachement qui, j’espère, la préservera longtemps de juger sa position. Pour la rendre heureuse, il eût fallu en faire une personne commune : je crois sincèrement que cela était impossible. Eh bien ! peut-être sera-t-elle assez distinguée pour se placer au-dessus de son sort, n’ayant pu rester au-dessous. — Vous vous faites des chimères, dit madame de… ; la philosophie nous place au-dessus des maux de la fortune, mais elle ne peut rien contre les maux qui viennent d’avoir brisé l’ordre de la nature. Ourika n’a pas rempli sa destinée : elle s’est placée dans la société sans sa permission ; la société se vengera. — Assurément, dit madame de B., elle est bien innocente de ce crime ; mais vous êtes sévère pour cette pauvre enfant. — Je lui veux plus de bien que vous, reprit madame de… ; je désire son bonheur et vous la perdez. » Madame de B. répondit avec impatience, et j’allais être la cause d’une querelle