Page:Duras - Ourika et Édouard, I.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
ÉDOUARD.

soupir : je voyais son regard, il pénétrait mon âme, et je ne pouvais suffire à tout ce que j’éprouvais à la fois de sensations délicieuses. Ah ! qu’elles étaient loin les humiliations de mon amour-propre ! que tout cela me paraissait en ce moment petit et misérable ! Je ne concevais pas que j’eusse jamais été malheureux. Quoi ! elle aurait pitié de moi ! Je n’osais dire : Quoi ! elle m’aimerait ! Je doutais, je voulais douter ! mon cœur n’avait pas la force de soutenir cette joie ! Je la tempérais, comme on ferme les yeux à l’éclat d’un beau soleil, je ne pouvais la supporter tout entière. Madame de Nevers se tenait souvent le matin dans cette même bibliothèque où je m’étais réfugié. Je trouvai sur la table un de ses gants, je le saisis avec transport, je le couvris de baisers, je l’inondai de larmes. Mais bientôt je m’indignai contre moi-même d’oser profaner son image par mes coupables pensées, je lui demandais pardon de la trop aimer. Qu’elle me permette seulement de souffrir pour elle ! me disais-je, je sais bien que je ne puis prétendre au bonheur.

FIN DU PREMIER VOLUME.