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ÉDOUARD.

laissait voir un pied charmant, à peine pressé dans une petite chaussure en brodequin, de soie aussi, et lacée d’or ; enfin, rien ne peut peindre la grâce de madame de Nevers dans cet habit étranger, qui semblait fait exprès pour le caractère de sa figure et la proportion de sa taille. Je me sentis troublé en la voyant ; une palpitation me saisit ; je fus obligé de m’appuyer sur une chaise ; je crois qu’elle le remarqua. Elle me regarda avec douceur. Depuis si longtemps je cherchais ce regard, qu’il ne fit qu’ajouter à mon émotion. « N’allez-vous pas au spectacle ? me demanda-t-elle. — Non, lui dis-je, ma soirée est finie. — Mais cependant, reprit-elle, il n’est pas encore huit heures ? — N’allez-vous pas sortir ! répondis-je. » Elle soupira ; puis me regardant tristement : « J’aimerais mieux rester, » dit-elle. On l’appela, elle partit. Mais, grand Dieu ! quel changement s’était fait autour de moi ! « J’aimerais mieux rester ! » Ces mots si simples avaient bouleversé toute mon âme ! « J’aimerais mieux rester ! » Elle me l’avait dit, je l’avais entendu, elle avait soupiré, et son regard disait plus encore ! Elle aimerait mieux rester ! rester pour moi ! Ô ciel ! cette idée contenait trop de bonheur ; je ne pouvais la soutenir ; je m’enfuis dans la bibliothèque, je tombai sur une chaise. Quelques larmes soulagèrent mon cœur. Rester pour moi ! répétai-je ; j’entendais sa voix, son