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Joachim éprouvait un sentiment tout particulier, celui du blessé qui a besoin d’être soulagé. Il ne pouvait s’empêcher de tourner autour de sa femme. Il aurait voulu lui confier ses ennuis, se réconcilier avec elle, hésitant pourtant devant la crainte d’un vert accueil. Un idéal de bon ménage lui avait souri tout à coup comme le dernier asile d’un homme désabusé, accablé par le sort. En dédommagement de ses désastres, il se voyait vivant avec Françoise sur une de leurs terres, tranquillement, sans souci d’argent ni de places, dans une bonne entente.

Même des enfants jouaient devant eux sur le gazon. Une balsamique bouffée d’existence paisible et honorable le rafraîchissait. Mais pendant sa seconde séance de chiffres chez les agents de change, ce parfum vivifiant ne put l’emporter contre l’excitant tintement de l’or et s’évanouit devant des désirs plus âcres. Néanmoins Joachim avait certainement besoin de quelques paroles de soutien et d’encouragement, et il les attendait de sa femme, pensant qu’elle les lui devait.

Quand il rentra le soir, toujours en fièvre et fatigué d’osciller entre les rages de la ruine et les impatiences de l’espoir, il trouva auprès de Françoise un grand monsieur frais, chauve et grisonnant, de physionomie placide et vulgaire mais intelligente, habillé de noir et cravaté de blanc, qui se leva fort cérémonieusement à son approche.

— Monsieur Blanchart, le notaire de ma mère et le mien, lui dit Françoise.

Joachim fronça le sourcil. Il ne comptait point du