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Perrin tout autour d’une table couverte de porcelaines qu’il espérait lui faire renverser.

On aurait cru à une famille, ou endormie, ou consternée.

Un huissier vint demander Pierre, qui sortit pour lui parler. Tout le monde attendit la rentrée de Pierre comme un événement curieux. On le vit revenir.

« C’est le fermier des Brosses que je suis obligé de faire saisir, dit-il.

— Obligé ! » s’écria Henriette involontairement.

Il y eut alors au sujet de la saisie une lutte dans laquelle les bons et les mauvais esprits se rangèrent sous deux bannières opposées. À la fin le parti d’Henriette l’emporta, et sa mère se mit à renchérir alors d’idées généreuses sur elle.

Corbie, plein de rancune contre sa nièce, aurait voulu la contredire, mais il n’était pas assez hardi pour faire paraître sa colère. Cependant il laissa échapper un mot amer qui peignit l’état de son âme. Il venait de dire qu’il ne fallait pas faire plus qu’on ne doit. Madame Gérard et le président s’étant récriés, il répliqua :

« Oh ! c’est une idée de vieillard, parbleu ! »

En fin de compte, Aristide, à son grand mécontentement, fut obligé de courir avec Perrin chez l’huissier pour donner ordre d’arrêter les poursuites. Autre grief contre sa sœur, dont la bonté causait ce dérangement ennuyeux à huit heures du soir.

Ensuite on parla d’une jeune fille de l’âge d’Henriette, nommée Eugénie Charrier, qui avait épousé un homme de soixante ans, assez riche.

Tout le monde blâma ce mariage, excepté Corbie, qui, prenant le parti du mari âgé, s’écria :

« Quel mal y a-t-il donc à épouser un honnête homme ? »

Henriette entendit avec joie son père et sa mère s’élever contre les parents qui sacrifiaient leur enfant à l’argent.

Le président se mit à attaquer le curé comme toujours, et pour couper court à ses tracasseries, on fit chanter Henriette au piano.

Aristide et Perrin étaient revenus.