Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le dédaignaient, ils reprirent leur tranquillité très promptement.

« Eh bien ! Corbie, dit M. de Neuville d’un ton assez dégagé, quelle longue promenade vous avez faite !

— J’ai été voir les blés, répondit celui-ci : ils sont superbes. »

Il s’assit en s’essuyant le front et ne dit plus rien.

« Il fait très chaud pour la saison, reprit madame Gérard ; je voudrais que le procès fût bientôt décidé pour qu’on pût utiliser la reprise.

— Ah ! oui, dit Corbie distrait.

— Quand je pense, ajouta madame Gérard, que Pierre ne se souciait pas de ce procès et que mon beau-frère était neutre et sans opinion, selon son habitude !

— Oh ! neutre, s’écria Corbie, ma belle-sœur sait trop bien ce qu’il faut faire pour que je ne sois pas de son avis en tout.

— Vous êtes rebelle quelquefois !…

— Corbie a une singulière nature, » dit le président.

L’oncle fut profondément remué, parce qu’il compta qu’on allait lui ouvrir quelques horizons nouveaux sur sa propre personne.

« Oui, répéta le président, une nature simple, droite, et cependant défiante, parce que vous avez la tête vive et prompte à s’égarer, ce qui explique vos défiances.

— Je ne me trompe pas déjà si souvent, dit Corbie que son aventure avec Henriette n’aurait pas dû rendre si affirmatif.

— Non, certes, vous avez du bon sens, Corbie ; mais luttez contre vos passions.

— Mon beau-frère est surtout un homme naturel, » dit madame Gérard.

Corbie sourit d’abord de plaisir de s’entendre appeler homme naturel et passionné, mais cela lui rappela aussitôt qu’Henriette l’avait méconnu, et sa figure redevint soucieuse.

« Il faut bien, se dit-il, qu’elle ait de la mauvaise volonté ! Cette petite fille-là n’est que malice ! »