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« C’est impossible ! dit-elle vivement ; vous n’avez seulement pas osé en parler à mon père et à ma mère.

— Pas osé ! marmotta Corbie, qui reprit, pareil à un homme qui étrangle : Vous refusez… Henriette… ainsi !…

— Vous n’avez pas parlé sérieusement ! » répondit-elle en haussant les épaules.

Corbie devint tout rouge, il serra les lèvres, mit la main sur le bras de sa nièce et dit : « Oui, c’était une plaisanterie ; » puis il s’éloigna assez vite.

Henriette crut à une farce bizarre dont elle ne pouvait comprendre l’intention, et cinq minutes après elle ne pensait plus à son oncle.

La jeune fille rentra au salon, heureuse d’avoir ce portrait sur son cœur sans que personne s’en doutât.

Sa mère, M. de Neuville le curé et Aristide écrivaient les numéros sur les billets de loterie.

« Ah ! voilà mademoiselle « la Perle », s’écria Aristide.

— Comment es-tu ? » dit madame Gérard.

Henriette craignit qu’on ne lui fît faire aussi des billets de loterie.

« Toujours un peu souffrante, » répondit-elle.

« Voyons, dit Aristide, remuons-nous tous : des tisanes ! bassinons le lit ! Allons, monsieur l’abbé ! allons, monsieur de Neuville !

— Je remonte dans ma chambre, dit Henriette.

– Redescendras-tu pour dîner ? demanda madame Gérard.

— Oui, j’essayerai. »

Quand elle fut partie, les quatre autres remirent le nez sur les petits carrés de papiers, parlant de temps en temps sans cesser leur tâche.

« Gagnera-t-on le procès ? dit le curé.

— Pourquoi pas ? reprit brusquement le président.

— L’organisation de la justice est bien remarquable, » répliqua M. Doulinet sans aucune malice.

Le président se blessa de cette phrase, où il vit une ironie.

« Certes, mon cher monsieur l’abbé Euphorbe Doulinet, répondit-il les organisations laïques ont au moins un bon côté,