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— Je suis peut-être encore plus jeune de ce côté-là.

— Je ne le nie pas, mon oncle, dit Henriette qui commençait à être ennuyée.

— Où se voit la jeunesse ? dit Corbie : si c’est aux yeux et aux jambes, comme je le lisais hier au soir, j’ai de bons yeux et je marche bien.

— Je le vois bien, répondit la jeune fille.

— C’est dans le cœur, ajouta l’oncle, et dans l’esprit qu’on est jeune !

— Et pas autrement, certes, » dit Henriette en se moquant.

Corbie la regarda bien un peu de travers, et il répéta comme un écho :

« Certes ! »

Henriette pressait le portrait d’Émile dans son corsage avec son bras, elle aurait donné des millions pour être débarrassée de l’oncle.

« Je me suis étudié, dit Corbie. J’aime les oiseaux, les fleurs, les chiens…

— Et les papillons ? dit Henriette agacée.

— Les papillons aussi. »

Henriette crut que son oncle avait de l’esprit et qu’il faisait une farce. Elle le regarda ; il avait l’air très grave. Corbie prit ce regard pour un encouragement et poursuivit :

« Ce sont ces goûts-là qui me démontrent que je suis jeune. C’est le côté gracieux de l’homme !

— Ah ! répondit Henriette étonnée de ces phrases.

– J’aime d’un autre côté les aventures, le mouvement, les récits de bataille, les romans terribles, voilà la part de la fougue. Je suis facile à vivre, je n’ai pas de manies, c’est là une chose importante. Toujours de bonne humeur ! vous avez bien dû le voir.

— Personne n’est toujours de bonne humeur, dit Henriette.

— Oh ! répliqua Corbie, je suis toujours gai. Quel homme peut revendiquer des qualités, des facultés, ou enfin des propriétés, des manières d’être, plus intrinsèquement jeunes ?

— Vous ne portez pas de perruque ? » demanda Henriette d’un air sérieux ; elle était enchantée de se venger de l’ennui par un peu d’impertinence.