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Il essaya de dire cela de la façon la plus simple et comme une chose toute naturelle.

Mais à peine eut-il prononcé ces cinq ou six mots, que le cœur battit fortement à Henriette.

Elle sentit toute l’importance d’une pareille proposition, qu’elle désirait dans le plus secret de son cœur et qui se rattachait à ses pensées, à ses agitations. Mais en raison de l’élan qui la poussait à accepter, elle avait peur, et il aurait fallu, pour vaincre des scrupules qui pourtant ne demandaient qu’à être vaincus, de longues et tendres instances. Heureusement Émile était intimidé par les idées mêmes que remuaient ses paroles, et il craignit de blesser Henriette en insistant.

« Oh ! c’est impossible ! dit la jeune fille.

— Ah ! murmura Émile, qui selon l’ordinaire commença à faiblir devant la première résistance ; pourtant ce serait plus prudent.

— Oh ! je ne veux pas, et je ne peux pas, reprit Henriette également faiblissante.

— Mais, dit Émile, en plein jour, nous ne pouvons manquer d’être découverts, et si nous voulons continuer…

— Cependant, dit-elle, jusqu’à présent il ne nous est rien arrivé. Dans le bois il ne vient jamais personne, et ici on ne distingue rien.

— Mais votre oncle ?

— Il n’y est pas toujours… D’ailleurs je l’empêcherai de venir.

— Vous m’avez dit vous-même que vous trouviez mes visites compromettantes.

— Mais non du tout… j’ai vu que je me trompais.

— Le soir, dit Émile, au lieu de nous cacher comme des malfaiteurs et de rester blottis sous les feuilles, nous pourrions nous promener dans le parc, causer plus longtemps. »

Henriette sembla séduite par ce tableau et elle ne put se retenir de dire : « On ne se couche pas très tard ici ! »

Mais elle se repentit aussitôt d’avoir ainsi laissé entrevoir