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CHAPITRE IV


les jours valent la peine d’être comptés


Ce n’était plus le mariage qui préoccupait Émile, mais le besoin d’être avec Henriette.

L’avenir reculait devant le présent, représenté par de nouveaux désirs tourmentants, et pour la première fois Émile songea que la nuit serait plus propice à ses entrevues avec la jeune fille. Pendant deux jours de suite il n’alla pas à la sous-préfecture, ne pouvant s’arracher d’auprès d’Henriette, avec laquelle il avait des entretiens pleins d’épanchements, de récits de l’enfance, de confidences des douleurs ou des joies passées, d’admirations réciproques.

Chaque fois il resta une heure aux Tournelles, après quoi il montait dans un arbre sans qu’elle le sût, et la regardait encore passer et repasser dans le parc, jusqu’à ce qu’elle fût rentrée dans sa chambre, et même il la revoyait encore à sa fenêtre. Et comme elle lui avait dit que sa mère la mènerait à Villevieille, il la vit une fois en outre sur la route, puis suivit la voiture en courant, et vit une quatrième fois et une cinquième fois son Henriette descendre et remonter.

Il y avait pour eux une sorte de besoin nerveux d’être ensemble. Séparés, ils étaient mal à l’aise, inquiets, leur sommeil se remplissait de songes tristes.

Tels sont les commencements de l’amour. Réunis, ceux qui s’aiment croient se trouver dans une serre tiède et inondée de soleil ; éloignés, ils retombent dans le brouillard glacé.

Malheureusement, le matin du troisième jour, Émile reçut