Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait apporté une lettre d’un évoque pour le curé de Saint-Louis, paroisse rivale de celle de Saint-Anselme, dirigée par le curé Doulinet. M. l’abbé Durieu s’abattit aussitôt sur madame Baudouin. Les choses se passèrent au rebours de ce qui existait entre M. Doulinet et madame Gérard, qui était la dominatrice de cet ecclésiastique, homme doux et timide. L’abbé Durieu s’empara de madame Baudouin et lui donna des conseils sur la conduite à tenir. Il lui dit d’abord que si elle cherchait à éclipser et à dominer, ce rôle serait encore plus difficile en province qu’à Paris, parce qu’à Villevieille, où tout le monde était parent ou allié, on se retirerait d’une maison où l’on verrait des intentions de primauté trop marquées. « Ce n’est que par la piété et la charité que vous obtiendrez ici une influence réelle, lui dit-il ; vous pouvez employer votre fortune par ces deux voies, sans exciter l’inimitié ou l’envie. On louera votre conduite, et on aura raison. »

Madame Baudouin aimait les prêtres, parce qu’elle les avait toujours trouvés plus agréables pour elle que les autres hommes, l’insignifiance de sa personne ayant toujours rebuté les gens qui n’avaient aucun intérêt à être aimables, tandis que chez les prêtres elle avait trouvé ces attentions, ces hommages qui lui plaisaient. Les prêtres recherchent en effet volontiers la société des femmes, car les autres hommes leur sont presque toujours hostiles et les accueillent d’une manière acerbe et moqueuse.

Le curé Durieu était mortifié de ce que madame Gérard lui eût préféré le curé Doulinet, auquel il se savait supérieur par l’intelligence ; il la représenta donc à madame Baudouin comme une femme légère, compromise même, à cause du président, et qu’on ne pouvait pas voir. La nouvelle venue ne fit pas de visite à madame Gérard, ce dont celle-ci fut très froissée.

En outre, le curé de Saint-Louis, voyant les avantages que son collègue retirait de l’appui de madame Gérard, qui avait fondé une Société de bienfaisance dite de Saint-Vincent-de-Paul, dont le trésor fut confié à l’abbé Doulinet, persuada à madame Baudouin de fonder la société de la Protection maternelle.

Madame Baudouin vit alors se rallier autour d’elle le monde