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CHAPITRE III


remue-ménage général


La soirée où Henriette avait fait tant d’impression sur Corbie était celle du 2 mai.

Le frère de Pierre Gérard était un être d’une intelligence bornée, et très préoccupé de lui-même, des qualités qu’il pensait posséder.

Il avait la vanité d’être doué de tous les mérites et aurait voulu qu’on ne lui parlât que de lui, qu’on le régalât continuellement de son éloge. Il se reconnaissait toujours dans tous les portraits avantageux qu’on faisait des autres, et sollicitait souvent, en petit comité, la famille de constater qu’il était digne d’éloges sous tous les rapports.

Toutefois, une profonde timidité le condamnait au silence la plupart du temps, et l’empêchait de se montrer tracassier ou de paraître trop grotesque.

L’oncle Corbie avait vu grandir Henriette, et depuis un an surtout qu’elle avait achevé le développement de son adolescence, il se sentait de mauvaise humeur, quand il rentrait à Bourgthéroin, contre l’aspect vieux et laid de sa servante.

La timidité de Corbie l’avait tenu toute sa vie éloigné des femmes, sauf peut-être deux ou trois aventures involontaires. Henriette, par ses talents, sa beauté, son esprit, lui inspirait une sorte de crainte, en même temps qu’elle avait enflammé toutes ses aspirations contenues. Ce n’était pas de l’amour, mais une sorte de croyance comique qu’Henriette était faite pour lui, et que, seul, il était digne d’elle, par son