Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle sonna. Baptiste, le valet de chambre de Mathéus, monta.

« Baptiste, lui dit-elle, Monsieur est malade, mais nous allons partir immédiatement pour la Charmeraye. Vous irez au chef-lieu chercher le docteur. Ne vous inquiétez ni de l’argent ni des chevaux. Partez devant, et tâchez d’être de retour ce soir. »

Henriette arriva donc à la Charmeraye avec son mari paralysé et tombé en enfance, brusquement devenue maîtresse de ses actions et animée d’une énergie qui pouvait se déployer libre.

Elle fit porter le vieillard dans son ancien appartement, et, quant à elle, n’entra pas dans la chambre lilas clair qu’il lui avait fait préparer. Elle parcourut tout le château et choisit une assez grande pièce pour se tenir dans le jour ; elle fit mettre un lit dans la chambre de Mathéus, afin d’être près de lui la nuit.

Henriette donna des ordres pour qu’on démeublât la chambre lilas clair, et qu’on fit démolir la vacherie et la volière où Mathéus avait fait mettre son chiffre H.

Elle visita soigneusement le parc et le château, prescrivit quelques nettoyages aux domestiques et revint dîner seule. Ensuite elle alla voir Mathéus. Il ne comprenait pas ce qu’elle lui disait, mais, en la voyant entrer, son œil parut moins terne et ne se détourna plus d’elle. Quand elle sortait, elle remarquait qu’une sorte de tristesse, mais difficile à décrire sur cette figure idiote, envahissait le pauvre vieux homme.

Le docteur reconnut une paralysie de la moitié du corps et déclara que le malade ne vivrait pas trois mois.

Henriette passa donc ses journées à soigner ce vieillard. Elle était presque toujours dans la chambre de son mari, parce que le médecin lui avait expliqué qu’elle pouvait prolonger la vie de Mathéus de quelques jours, en restant près de lui, qui était revivifié par sa présence.

Il y avait quelque chose d’effrayant et de touchant à voir les yeux de cet homme toujours attachés à Henriette, la sui-