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étaient là ?… Quand on tombe à l’eau, il passe du monde… »

Elle s’efforçait de se faire accroire qu’Émile ne s’était pas suicidé.

« Il n’est pas tombé, interrompit le secrétaire ; tout porte à croire que monsieur votre fils s’est jeté volontairement.

— Ah ! s’écria madame Germain, ils l’ont rendu si malheureux ! Pauvre enfant ! » murmura-t-elle d’un ton rendu rauque par les pleurs qui recommençaient.

Elle songeait aux souffrances qu’il avait dû éprouver en se débattant dans cette eau, en se sentant étouffer loin de sa mère, seul, sans secours.

« Il a peut-être appelé, se disait-elle et on ne l’a pas secouru ! »

Il lui semblait qu’elle ressentait les douleurs de son fils mourant.

« Et quelle désolation, pensait-elle, a-t-il eue de me laisser, quand il a dû vouloir revenir à la vie et qu’il n’a pu se sortir de cette rivière ! »

Elle se jeta dans un fauteuil, et ses gémissements donnaient envie de pleurer au secrétaire de la mairie.

Elle se plaignit ensuite comme un malade, souffrant physiquement d’avoir tant pleuré ; puis elle s’apaisa de nouveau, et, mettant un mouchoir devant sa bouche pour étouffer les sanglots qui la reprenaient, elle dit :

« Comment sait-on qu’il s’est suicidé ? Est-ce qu’il a écrit ?

— Non, Madame : on a trouvé des pierres dans ses poches.

— Ah ! pauvre enfant s’écria-t-elle.

— Le corps est resté au moins six heures dans l’eau, à ce que disent les mariniers.

— Ah ! pauvre enfant !

— On l’a retrouvé à deux lieues de la ville ; il paraissait à la surface.

— Ah ! pauvre enfant !… » La malheureuse femme accompagnait de ce cri chaque détail du récit que lui faisait le secrétaire de la mairie.

« Dites-moi, Monsieur, reprit-elle, est-il bien défiguré ?