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On enleva le corps, et on le mit dans une charrette recouverte de toile.

La curiosité des spectateurs sembla mécontente qu’on l’eût privée de son spectacle. Des acharnés rôdèrent encore autour, essayant de voir par les fentes des planches. Ceux qui étaient arrivés les derniers surtout, et n’avaient rien vu, contemplaient la charrette avec une obstination singulière.

Dans les rues voisines, la nouvelle s’était répandue, et, quand la charrette passait, accompagnée de quelques individus qui suivent toujours tout, et regardent stupidement longtemps après qu’il n’y a plus rien à regarder, on entendait dire sur les portes ou aux fenêtres :

« Le voilà ! il est dedans ! »

En deux heures, toute la ville savait l’événement.

Le secrétaire de la mairie ne savait comment s’y prendre pour l’annoncer à madame Germain.

Il la trouva inquiète comme toujours. Elle fut étonnée de voir ce monsieur inconnu.

« Madame, je viens vous parler de monsieur votre fils… Je suis le secrétaire de la mairie, dit-il.

— Eh bien ! où est-il ? s’écria madame Germain, toute changée.

— Il est à la mairie en ce moment, Madame.

— Pourquoi ? Comment cela ?

— Il lui est arrivé un accident…

— Ah ! mon Dieu !… J’y vais… »

Elle prit son châle avec une précipitation tremblante. Elle chercha des yeux un chapeau.

« Je n’ai pas besoin de chapeau, dit-elle. Il est inutile de vous déranger, Madame ; je vais le faire transporter ici…

— Mais qu’est-il donc arrivé ? cria madame Germain, qui ne pouvait accrocher une épingle à son châle, quoiqu’elle la piquât vingt fois en dix secondes dans l’étoffe, sans s’en apercevoir.

— Eh bien reprit le secrétaire, il vaut mieux vous dire la vérité !…