mière, sous l’eau. Il avait rempli ses poches de gros cailloux, son mouchoir aussi, afin d’ajouter à son poids et de rester au fond.
L’eau fit un grand mouvement de cercles ondulés et un bruit prolongé, mais tout au plus pareil à celui du clapotement d’un bon nageur. Ensuite le courant continua tranquille, comme auparavant.
À six heures du soir, deux mariniers qui remontaient la rivière, à deux lieues de Villevieille, aperçurent de loin un gros objet noir qui descendait le courant vers eux.
« Tiens, on dirait un noyé ! s’écria l’un d’eux.
— Allons dessus, » dit l’autre.
Ils gouvernèrent vers l’objet, qui s’enfonça et disparut à peu près au moment où ils reconnurent que c’était bien un corps. Avec la gaffe ils sondèrent la rivière et le ramenèrent enfin dans le bateau.
« Il y a longtemps qu’il est tombé à l’eau, dit le marinier en considérant la face noircie et défigurée du cadavre. C’est un tout jeune homme !
— Il est bien habillé ! dit le second. Ça vous aura glissé sur le bord.
— Ah cà, reprit l’autre, comment que ça se fait que nous l’avons trouvé pas loin de la ville, et qu’il y a bien sept ou huit heures qu’il est à l’eau ?
— Il aura été accroché au fond
— Il faut voir s’il a des papiers, continua le marinier. »
Ils le palpèrent.
« Il a des cailloux plein ses poches, s’écria un des hommes.
— C’est un suicide alors, reprit l’autre. Regarde donc le portefeuille. »
Ils ouvrirent le petit carnet en cuir et trouvèrent des cartes de visite où ils lurent : Émile Germain, 37, rue Sandouix.
« Aurons-nous une charrette pour le mener à la mairie ? demanda l’un d’eux.
— Voilà une bonne journée, dit l’autre : quinze francs de gagnés. »