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Ce mouvement était une distraction forcée pour la jeune fille.

Devant le perron, dix équipages étaient rangés, seize valets de pieds ou cochers attendaient.

Sept voitures seulement furent remplies.

Pierre, sa fille et Corbie, dans la première ; la mère, Mathéus, le colonel, dans la seconde ; le président et madame Baudouin dans la troisième. Aristide eut l’esprit de se faufiler avec les époux Vieuxnoir. Les autres suivaient.

Henriette était superbe dans sa robe blanche. On complimentait le père, la mère et l’époux.

La jeune fille montrait la fermeté de ces gens qui, condamnés à mort, meurent courageusement et honorablement. Elle ne parla toutefois pas à Mathéus, et l’évita toujours.

Dans les voitures on n’entendait d’autre mot que celui-ci :

« Arrivons-nous ? »

Madame Gérard était radieuse de son ouvrage, et pourtant inquiète. Henriette regardait par la portière et pensait : « Il vaudra mieux changer de pays après le mariage. »

À dix heures précises on était à la mairie.

Quand le maire, s’adressant à Henriette, lui demanda :

« Prenez-vous pour époux M. Jean-Louis-Pierre-Maximilien Mathéus ? il y eut un moment d’anxiété ; elle attendit quelques secondes. Madame Gérard se leva à demi, comme ces femmes timides qui s’attendent à un coup de fusil.

Henriette répondit : « Oui ! » et comme un torrent qui franchit un barrage, la joie souleva madame Gérard : elle serra la main à Mathéus expressivement.

La cérémonie, l’entourage, le monde, donnaient des forces à Henriette, qui mettait de l’orgueil à paraître maîtresse de sa libre volonté.

On se réengouffra dans les voitures, et on alla à l’église.

Le curé Euphorbe avait tendu des draperies, disposé des fleurs, et se tenait, avec son vicaire, ses chantres, devant le maître autel. L’église était pleine.

Le cortège, Henriette en tête, passa entre les chaises. La jeune fille et Mathéus se placèrent sur leurs coussins de