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Du haut en bas de la maison, c’étaient des allées et venue continuelles, des appels : « Où avez-vous mis ceci ? Apportez moi cela ! » des inspections d’habits, des revues de mémoire des ordres, des écritures !

Les domestiques lavaient les voitures, pansaient les chevaux, nettoyaient les harnais. La cuisinière, troublée, fit un mauvais dîner. On retourna de bonne heure dans les chambres. Les équipages de Mathéus arrivèrent, et un vacarme véritable commença lorsqu’il fallut installer bêtes et gens ; le vacarme se renouvela à l’entrée des voitures de louage venues du chef-lieu.

Henriette étouffait ses pensées en contraignant son esprit à toutes ces questions de préparatifs.

On se coucha assez tôt, afin de tuer le temps, et cependant personne ne dormit. Les domestiques demandèrent la permission de faire un petit souper, pour se fêter entre eux.

Henriette se dit toute la nuit : « C’est peut-être une grande faute que je commets, mais il est impossible d’agir autrement. »

Maintenant, résolue à se marier, elle cherchait à rendre l’avenir meilleur que le présent, et elle fermait son cœur à Émile ! pour rester forte.

Des questions d’argent constituaient les émotions de tous les autres, sauf Mathéus, que remplissait de triomphe la vanité d’avoir une si belle jeune femme.

Le 18, à six heures du matin, vingt personnes étaient sur pied aux Tournelles, et la grande toilette commençait sur toute la ligne.

Henriette fut la première prête.

« Comme on est long ! » disait-elle à la femme de chambre.

Mathéus fut plus long encore que madame Gérard.

Pierre, Corbie, Aristide, en habit noir, avaient l’air de taureaux.

Madame Baudouin amena le président dans sa calèche. Le colonel Héricq vint en remise, M. et madame Vieuxnoir aussi puis des voisins de campagne : le marquis de Buchey, le comte Péligeard, la baronne de Saint-Martin.